A la croisée des chemins du dérè­gle­ment cli­ma­tique, de la pré­car­ité ali­men­taire, de l’effondrement de la bio­di­ver­sité, des risques san­i­taires, du mal-être paysan ou encore des atteintes portées au bien-être ani­mal, l’a­gri­cul­ture peut être à la fois cause, vic­time ou source de solu­tions des grands maux de notre société. Mais qui sait que son avenir se joue, en ce moment même, dans les couliss­es du min­istère de l’Agriculture et de l’Alimentation ? Peu abor­dée par les médias et incon­nue du pub­lic, la décli­nai­son de la Poli­tique Agri­cole Com­mune en France, scel­lée au tra­vers du Plan Stratégique Nation­al, sera pour­tant cru­ciale pour don­ner aux agricul­teurs et aux agricul­tri­ces une vision d’avenir et les moyens d’une réelle tran­si­tion agroé­cologique d’ici 2027.

Le secteur agri­cole français se porte mal et ce, mal­gré un sou­tien pub­lic mas­sif, dont 9 mil­liards d’euros ver­sés chaque année via la PAC. Depuis des dizaines d’années, cet argent pub­lic pousse à l’industrialisation de l’agriculture et de l’alimentation, ayant pour con­séquences la déser­tion des cam­pagnes, les pol­lu­tions, les atteintes au bien-être ani­mal ou encore la paupéri­sa­tion des paysans, y com­pris dans les pays du Sud par le dump­ing à l’export. Or ce sont bien nos poli­tiques publiques qui sont respon­s­ables de cette sit­u­a­tion : respon­s­ables de faire primer les intérêts économiques de court-terme sur l’in­térêt général, respon­s­ables d’i­n­ac­tion pour préserv­er les intérêts d’une poignée d’a­gro-indus­triels, respon­s­ables d’inventer une oppo­si­tion entre agricul­teurs et écol­o­gistes, pour détourn­er l’at­ten­tion des caus­es réelles des prob­lèmes du secteur. Avec 45% des agricul­teurs proches de la retraite et de lourds défis à relever pour la nou­velle généra­tion, les per­spec­tives d’une inac­tion poli­tique à un tour­nant his­torique de la PAC ressem­blent fort à un scé­nario cat­a­stro­phe pour le monde agri­cole et les écosystèmes.

Le gou­verne­ment s’est engagé à attein­dre des objec­tifs pour redress­er la barre et garan­tir la résilience du secteur : obtenir 15% de sur­face en agri­cul­ture biologique d’ici 2022, aug­menter de 40% la sur­face de pro­duc­tion de légu­mineuses d’ici 2024, réduire l’usage des pes­ti­cides de 50% d’ici 2025, divis­er par deux les émis­sions de gaz à effet de serre du secteur agri­cole d’ici 2050 ou encore met­tre fin aux impor­ta­tions de pro­duits agri­coles non durables con­tribuant à la déforesta­tion d’ici 2030. Mais avec seule­ment 4% du bud­get actuel de la PAC dédiés aux mesures d’accompagnement de la tran­si­tion agroé­cologique et de la con­ver­sion au bio, la stratégie de nos poli­tiques s’est avérée inef­fi­cace. La sur­face agri­cole bio pro­gresse très lente­ment et n’at­teint que 9%, l’usage des pes­ti­cides con­tin­ue à aug­menter, et l’élevage reste large­ment dépen­dant du soja importé d’Amazonie. Agricul­teurs et agricul­tri­ces sont pour­tant prêts à faire évoluer leur sys­tème et les citoyens se tour­nent résol­u­ment vers une ali­men­ta­tion choisie, respectueuse des paysans, de l’environnement et des ani­maux. Mais les ini­tia­tives indi­vidu­elles seront insuff­isantes pour chang­er d’échelle. C’est un sig­nal clair qui est atten­du du min­istre Julien Denor­mandie pour ren­vers­er les vieux équili­bres et engager une poli­tique publique volon­tariste, pleine­ment ori­en­tée vers la transition.

C’est pourquoi les 46 organ­i­sa­tions de la plate­forme Pour une autre PAC deman­dent un virage à 180 degrés du Plan Stratégique Nation­al. Le gou­verne­ment doit redis­tribuer l’argent de la PAC pour accom­pa­g­n­er les agricul­teurs qui trans­for­ment leur sys­tème agri­cole, rémunér­er les pra­tiques vertueuses pour l’environnement et le bien-être ani­mal, ou encore pour soutenir les fer­mes les plus petites, créa­tri­ces d’emplois et de valeur ajoutée mais oubliées de la PAC. Le bud­get et les solu­tions sont disponibles. Il ne manque que la volon­té poli­tique. Avec un bilan déjà entaché par l’échec des Etats Généraux de l’Alimentation sur la ques­tion du revenu paysan, par l’échec de la sor­tie du glyphosate ou encore par la réin­tro­duc­tion des néon­i­coti­noïdes, le gou­verne­ment dis­pose, avec le PSN, d’une dernière chance de laiss­er une trace pos­i­tive de son pas­sage. Il doit impéra­tive­ment align­er la pre­mière de nos poli­tiques agri­coles sur les objec­tifs col­lec­tive­ment fixés pour ne pas pro­longer, jusqu’en 2027, un sys­tème déjà à bout de souffle.

Les sig­nataires de la tri­bune, représen­tants des organ­i­sa­tions mem­bres de la plate­forme Pour une autre PAC

Guil­laume Riou, prési­dent de la FNAB

Michel Vam­pouille, prési­dent de la Fédéra­tion Terre de Liens

Julien Kief­fer et Pierre-Hen­ri Rous­sel, coprési­dents de RENETA

Françoise Ver­net, prési­dente de Terre et Humanisme

Nico­las Girod, porte-parole de la Con­fédéra­tion paysanne

Raphaël Bel­langer, co-prési­dent de la FADEAR

Fab­rice Bouin, prési­dent du Réseau CIVAM

Cédric Letourneur, secré­taire nation­al du MRJC

Chris­t­ian Pons, prési­dent de l’UNAF

Bertrand Auzer­al, prési­dent de l’Association Bee Friendly

Philippe Hirou, prési­dent de l’Afac-Agroforesteries

Nico­las Hulot, prési­dent d’honneur de la Fon­da­tion Nico­las Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH)

François Veillerette, porte-parole et respon­s­able plaidoy­er de Généra­tions Futures

Jean-François Jul­liard, directeur général de Green­peace France

Bernard Chevas­sus-au-Louis, prési­dent d’Humanité et Biodiversité

Jacques Caplat, secré­taire général d’A­gir Pour l’Environnement

Jus­tine Ripoll, co-prési­dente de Com­bat Monsanto

Ghis­lain Zuc­co­lo, directeur général de Welfarm

Arnaud Schwartz, prési­dent de France Nature Environnement

Véronique Andrieux, direc­trice générale du WWF France

Leopol­dine Char­bon­neaux, prési­dente de CIWF

Khaled Gai­ji, prési­dent des Amis de la Terre France

Michaël Weber, prési­dent de la Fédéra­tion des Parcs naturels régionaux de France (FPNRF)

Christophe Lépine, prési­dent de la Fédéra­tion des Con­ser­va­toires d’espaces naturels

Allain Bougrain-Dubourg, prési­dent de la LPO

Philippe Quiri­on, prési­dent du Réseau Action Climat

Clotilde BATO, déléguée Générale SOL

Aurélie Trou­vé, porte-parole d’Attac

Anne-Françoise Taisne, déléguée générale du CFSI
Lorine Azoulai, com­mis­sion agri­cul­ture-ali­men­ta­tion de Coor­di­na­tion Sud

Jean-Louis Marol­leau, secré­taire du Réseau Foi et Justice

Luc de Ronne, prési­dent d’ActionAid France

Robert Levesque, prési­dent d’aGter

Philippe Collin, prési­dent d’AVSF

Tan­guy Mar­tin, admin­is­tra­teur d’Ingénieurs Sans Fron­tières – Agrista

Eve­lyne Bou­longne, porte-parole du Miramap

Clé­men­tine Nor­don, co-respon­s­able du Pôle Lob­by­ing de Citoyens pour le Climat

José Tissier, prési­dent de Com­merce Équitable France

Dominique de Viviès et Jean-François Hivert, co-prési­dents de Chré­tiens dans le Monde Rural

Marc Mangenot, admin­is­tra­teur des Amis de la Conf

Hen­ri Rouil­lé d’Or­feuil, pilote du pro­gramme ali­men­ta­tion respon­s­able et durable

Julie Poti­er, direc­trice générale de Bio Consom’acteurs

Vin­cent Des­ti­val, délégué général du Sec­ours Catholique

Sophie Marie, prési­dente de WWOOF France

Bastien Beau­fort, représen­tant de Slow Food France

Félix Lalle­mand, admin­is­tra­teur des Gre­niers d’Abondance